Une étude publiée par des chercheurs travaillant pour l’Institut de Recherche pour le Développement IRD vient d’apporter de nouveaux éléments de réponse sur les risques sanitaires d’une exposition prolongée à des émissions volcaniques. Jusqu’ici, les scientifiques savaient que l’inhalation d’une infime partie des cendres volcaniques les plus fines (moins de 0,01 mm) pouvait, à court terme, induire des maladies respiratoires. En revanche, il existait peu de données concernant les risques liés à une exposition à plus long terme (pendant plusieurs mois ou années), par voies multiples (par inhalation mais aussi par ingestion orale), et à l’échelle de tout l’organisme, et pas seulement au niveau respiratoire.
Le « métallome », doublement impacté
Selon le magazine IRD LeMag, partant du fait que les cendres volcaniques sont riches en métaux (fer, zinc, cuivre…), Lucie Sauzéat géochimiste à l’IRD et ses collègues ont exploré les effets d’une exposition prolongée à ces particules, sur le « métallome ». Le métallome qui est l’ensemble des métaux et métalloïdes présents dans un système biologique, et caractérisés par leur localisation, leur forme chimique et leur concentration. , éclaire Lucie Sauzéat. Avant de préciser : « Tout dérèglement au niveau du métallome peut induire des maladies. »
Nos confrères de IRD LeMag indiquent que la chercheuse et son équipe se sont intéressés à 12 souris mâles adultes, dont la moitié a été exposée à des cendres du volcan de la Soufrière, en Guadeloupe, mélangées à leur litière. Ceci, pendant un mois ; ce qui équivaut à près de trois ans chez un humain avec une espérance de vie de 80 ans. À la fin de l’expérience, les scientifiques ont analysé le métallome de sept organes, dont le foie et les testicules, ainsi que celui du sang et de l’urine.
Comparées aux souris mâles, celles exposées pendant un mois à des cendres volcaniques riches en métaux, présentent une accumulation anormale de cuivre et de fer dans leurs testicules , associée à une diminution d’au moins 25 % des spermatozoïdes et un amincissement de l’épithélium testiculaire, le tissu qui tapisse l’intérieur des tubes séminifères où sont produits les spermatozoïdes .
Il est apparu que les souris exposées aux particules volcaniques présentaient une accumulation anormale de différents métaux (zinc, cuivre, fer…) au niveau des testicules ainsi que des changements de la composition isotopique en cuivre au niveau du foie. « Ce dernier paramètre correspond au rapport entre les concentrations de deux isotopes de l’élément cuivre : le cuivre dit lourd (65Cu, lire « cuivre 65 »), et le cuivre léger (63Cu). De telles variations reflètent probablement des dysfonctionnements hépatiques, sans que l’on puisse les identifier précisément via cette seule étude », explique la chercheuse.
Des résultats à confirmer chez l’humain
L’équipe a également examiné des coupes de testicules, l’un des organes les plus touchés par les dérégulations métallomiques. Ici, ils ont noté plusieurs altérations, dont notamment une diminution d’au moins 25 % du nombre de spermatozoïdes stockés dans l’épididyme, ainsi que plusieurs atteintes tissulaires importantes au niveau des tubes séminifères. D’où la conclusion qu’une exposition prolongée aux cendres volcaniques altère le métallome et pourrait de ce fait, avoir un impact sur la fertilité et favoriser l’émergence de maladies hépatiques – sans savoir lesquelles précisément, à ce jour.
Reste toutefois à valider cette théorie chez l’humain. Pour ce faire, l’équipe a déjà commencé à collecter des échantillons, de sang et d’urines notamment, chez des personnes vivant sur des sols volcaniques au Pérou et aux Canaries.
« Si les résultats de ces nouveaux travaux confirment ceux obtenus chez la souris, l’analyse métallomique des organes, du sang et des urines, pourrait aider à mieux identifier les personnes à risque de développer des maladies liées à une exposition prolongée aux cendres volcaniques et ainsi à les prendre en charge le plus rapidement possible », anticipe Lucie Sauzéat.
Trouver l’article original sur https://lemag.ird.fr/fr/emissions-volcaniques-de-nouveaux-risques-sanitaires-identifies