Il y a une année la République Démocratique du Congo et la Zambie ont signé un accord de coopération pour faciliter le développement de la chaîne de valeur dans le secteur des batteries électriques et des énergies propres. Au mois de Mars 2023 les autorités des deux pays et leurs partenaires financiers ont signé un accord pour des études sur une zone franche qui doit abriter l’industrie de fabrication des batteries des véhicules électriques.
Pour Docteur Michel SHENGO LUTANDULA Professeur à la Faculté des Sciences de l’Université de Lubumbashi (RDC) cet accord constitue un événement sans précédent dans l’exploitation des ressources minérales de ces deux pays en général, et en particulier, des minéraux critiques recherchés pour la fabrication de batteries électriques
« Ces deux pays sont tels que leurs économies étaient et restent principalement dépendantes de l’exploitation minière et de l’exportation de ressources minérales. La RD Congo et la Zambie n’ont jamais étés en mesure de subvenir comme elles le devraient aux besoins primaires de leurs populations, malgré plusieurs années d’exploitation des ressources minérales dont leurs sols sont si gracieusement dotés.»
Pour ce chercheur, la RD Congo et la Zambie n’ont pas pu bénéficier des opportunités offertes par la chaîne de valeur de leurs produits miniers, notamment en termes d’emplois et autres avantages financiers qui pourraient leur permettre d’enclencher rapidement le processus de leur développement socio-économique afin de contribuer au bien-être de leurs populations.
« Ces pays ont compris l’importance de développer et de contrôler la chaîne de valeur des minéraux pour batteries. Ce faisant, non seulement ces pays bénéficieront des taxes et des redevances sur l’extraction de leurs minéraux critiques, mais ils bénéficieront également des opportunités que la chaîne de valeur peut offrir, en particulier leur industrialisation plus poussée grâce aux investissements importants que cet accord pourrait apporter à elles»
Du côté de la société civile, la matérialisation de ce projet est attendue dans la mesure où elle permettra une transition énergétique responsable explique Josué Aruna président de la société civile environnementale de la RDC.
« Cette transition énergétique responsable prend la question des énergies renouvelables. En encourageant le gouvernement dans cette transition c’est une voie pour abandonner l’utilisation des énergies fossiles et on encourage l’utilisation des batteries électriques ».
Impact environnemental
Bien que ce projet contribuera de manière significative à la réduction des émissions de gaz à effet de serre et à minimiser leurs impacts sur l’environnement et leur contribution au phénomène de changementt climatique grâce notamment à une utilisation plus réduite des combustibles fossiles comme source d’énergie, les experts alertent sur les risques environnementaux qui peuvent en découler.
«La fabrication de batteries augmentera le rythme de l’extraction des minéraux critiques et donc une augmentation des impacts environnementaux liés à l’industrie minière. Elle générera encore plus d’impacts environnementaux car sur les sites miniers, on continuera à utiliser des camions et des équipements miniers qui consomment de plus en plus de combustibles fossiles. De plus, la production de batteries se fera dans des giga -usines qui consomment habituellement de grands volumes d’eau et d’énergie, avec la génération de grands volumes d’eaux usées polluées» fait savoir Dr Michel.
Pour lui les résultats attendus à l’échelle mondiale en matière de minimisation des effets néfastes sur le climat ne seront obtenus qu’à long terme, c’est-à-dire lorsque l’énergie verte sera davantage utilisée, même dans tous les secteurs de l’industrie extractive des minéraux et des batteries.
Comme les chercheurs, les acteurs de la Société civile insistent de leur part sur le respect des procédures environnementales requises qui ont été mises en place par le gouvernement.
« S’il n’y a pas de conformité environnementale il y aura toujours des problèmes. Nous sommes dans une question environnementale des minerais et souvent les minerais ne sont pas contrôlés par le gouvernement, c’est une main extérieure qui contrôle les minerais, et quand c’est le cas on a tendance à oublier les lois du pays parce qu’on voit l’argent, on a aussi tendance à négliger l’avenir de la population au détriment de la destruction de la nature. Tout investissement devra être responsable respecter la conformité environnementale avant, pendant et après l’exploitation du site» explique Josué ARUNA.
L’Afrique a également besoin d’exploiter ses énergies fossiles pour la production d’énergie ou pour alimenter l’industrie chimique mondiale ajoute Dr Michel.
« On ne peut pas dissuader l’Afrique de contribuer à l’aggravation du problème du changement climatique par l’exploitation des combustibles fossiles si les pays développés ne lui offrent pas d’autres alternatives. Non seulement l’Afrique devra trouver des investissements pour développer des projets locaux de fabrication de batteries, mais ce continent aura également besoin d’aide pour la conservation des forêts et la production d’énergie plus verte ».
Nos sources indiquent que la RDC et la Zambie ont déjà mis en place une initiative conjointe pour la production de précurseurs de batteries. La RDC a créé sa propre commission batterie avec des missions bien précises. A ce stade, des réflexions sont en cours autour de la production de prototypes de batteries et des contacts ont été pris côté zambien et congolais avec des firmes multinationales et des centres de recherche et universités (Europe, Chine, etc.) ayant une expertise avérée dans la fabrication de composants de batteries ou leurs précurseurs.
Pour la réussite de ce projet, Dr Michel pense qu’Il est avant tout important que l’Afrique arrive à développer un écosystème industriel capable de lui permettre de produire des batteries et des véhicules électriques. Cela nécessitera selon lui que le continent acquière l’expertise nécessaire.
Patrick Kahondwa