La flambée des prix des terres, les accaparements de terres et les projets de carbone créent une « compression des terres » sans précédent, menaçant les agriculteurs et la production alimentaire, révèle un nouveau rapport du Groupe international d’experts sur les systèmes alimentaires durables. Le rapport montre à quel point la demande des terres incontrôlée et non règlementée accroit la pauvreté et l’insécurité alimentaire. Il se concentre sur quatre causes principales, parmi lesquelles, « l’accaparement vert » comme les compensations de carbone et de biodiversité, l’iniquité dans le fait que les grandes entreprises agricoles engloutissent des exploitations plus petites, et les investisseurs et gouvernements étrangers qui se précipitent pour acheter des terres en réponse aux chocs liés à la sécurité alimentaire.
Susan Chomba, experte du Groupe international d’experts sur les systèmes alimentaires durables au Kenya, indique que la terre n’est pas seulement de la terre sous nos pieds, c’est le fondement de nos systèmes alimentaires qui nous nourrissent tous.
« La ruée vers des projets douteux sur le carbone, des programmes de plantation d’arbres, des carburants propres et des achats spéculatifs déplacent les petits agriculteurs et les peuples autochtones. De vastes étendues de terres agricoles sont acquises par les gouvernements et les entreprises pour ces « accaparements verts » qui représentent désormais 20 % des transactions foncières à grande échelle malgré peu de preuves de bénéfices climatiques » Fait savoir la Chercheure.
Selon ce rapport, en Afrique 12 millions d’hectares de terres ont été accaparés dans le cadre d’accords transnationaux depuis 2000. Le rapport note par ailleurs que cette situation ne fera qu’empirer à mesure que les pressions de compensation carbone s’accentuent à travers le continent.
« Les moyens de subsistance des agriculteurs africains sont menacés par la consolidation des terres agricoles, 1% des plus grandes exploitations agricoles du monde exploitant désormais 70% des terres agricoles mondiales. Cette monopolisation des terres agricoles par les grandes exploitations conduit à une diminution de la taille des exploitations familiales, la taille moyenne des exploitations en en Afrique est désormais de 2 hectares seulement 80% de la production alimentaire en Afrique provient de petits agriculteurs. La diminution de la taille des parcelles nuit donc à la capacité de nourrir la population » Peut-on lire dans le rapport
Face à cela, le Groupe international d’experts sur les systèmes alimentaires durables appelle à l’action pour mettre fin aux accaparements verts et supprimer les investissements spéculatifs des marchés fonciers. Il appelle aussi à établir une gouvernance intégrée pour les terres, l’environnement et les systèmes alimentaires afin de garantir une juste transition
« Il est temps que les décideurs cessent de se soustraire à leurs responsabilités et commencent à s’attaquer au déclin rural. La financiarisation et la libéralisation des marchés fonciers ruinent les moyens de subsistance et menacent le droit à l’alimentation. Au lieu d’ouvrir les vannes aux capitaux spéculatifs, les gouvernements doivent prendre des mesures concrètes pour mettre fin aux faux « accaparements verts » et investir dans le développement rural, l’agriculture durable et la conservation menée par les communautés ». Affirme Sofía Monsalve Suárez, experte Groupe international d’experts sur les systèmes alimentaires durables, Colombie.
Patrick Kahondwa