L’extraction industrielle de cobalt en République démocratique du Congo (RDC) a des répercussions humaines et environnementales dévastatrices. Selon un rapport intitulé « Dans les coulisses de la transition énergétique : Regard critique sur l’impact des mines industrielles de cobalt en RDC» élaboré par l’organisme de surveillance des activités des sociétés basé au Royaume-Uni RAID et African Resources Watch (AFREWATCH) basé en RDC, le droit à un environnement propre, sain et durable des communautés riveraines vivant à l’ombre des plus grandes mines de cobalt et de cuivre au monde est régulièrement violé. Ses conclusions remettent en question le discours sur le cobalt « propre » et « durable » fréquemment mis en avant par les sociétés minières multinationales.
Pour Emmanuel Umpula Directeur exécutif d’AFREWATCH le monde a besoin du cobalt de la RD Congo pour atteindre les objectifs « zéro émission nette », mais la transition énergétique n’apporte aucun bénéfice à des centaines de milliers de Congolais vivant à l’ombre des grandes mines industrielles de cobalt.
« Ils ne conduisent pas de véhicules électriques ou ne profitent pas d’un environnement plus propre. Au lieu de cela, ils sont frappés par une pollution de l’eau qui les rend plus malades et plus pauvres. Nous avons tous besoin d’un avenir durable, mais cela doit s’appliquer de la même manière dans le Nord global et en RDC ».
Le cobalt est une matière première indispensable utilisée dans les batteries rechargeables des véhicules électriques et les technologies d’énergie renouvelable. Il provient en grande partie de la ceinture de cuivre et de cobalt dans le sud de la RDC.
« Nos recherches révèlent un décalage flagrant entre les revendications de « cobalt propre » de l’industrie et la dure réalité à laquelle sont confrontées les communautés congolaises. Le droit à l’eau potable et à un environnement sain est un droit non négociable de chaque personne, qui ne doit pas être sacrifié pour certains dans le cadre de la transition énergétique. Les constructeurs de véhicules électriques qui achètent du cobalt doivent s’assurer qu’il provient de sources responsables et devraient exiger que les sociétés minières assainissent leurs pratiques » renchérit pour sa part Anneke Van Woudenberg Directrice exécutive de RAID
S’étalant sur une période de 19 mois, l’enquête a nécessité un travail de terrain dans 25 villages et villes à proximité de cinq des plus grandes mines de cobalt et de cuivre au monde, exploitées par des sociétés minières européennes et chinoises. Elle a impliqué des entretiens approfondis avec 144 habitants, offrant un aperçu rare des expériences vécues par les communautés riveraines.
Les communautés rencontrées par RAID et AFREWATCH ont expliqué que la contamination toxique porte atteinte à leur santé et a des répercussions destructrices sur les écosystèmes locaux et l’agriculture.
Dans les villes et villages visités par les chercheurs de RAID et d’AFREWATCH, 56 % des personnes interrogées ont déclaré avoir remarqué une augmentation significative des problèmes gynécologiques et les problèmes de reproduction chez les femmes depuis le début des activités industrielles minières dans la région, entraînant des menstruations irrégulières, des infections urogénitales, des fausses couches plus fréquentes et, dans certains cas, des malformations congénitales.
C’est le cas de Cybèle qui raconte : « Quand COMMUS a commencé à polluer la rivière, nous, les femmes, avons commencé à avoir des démangeaisons, des infections et une infertilité, c’étaient les signes de pollution sur notre santé. Même nos règles étaient irrégulières. Une femme peut avoir ses règles 3 fois par mois. Avant, il n’y avait pas de tels problèmes » Pour sa part Jeanne, qui vit dans une zone rurale sur la rive du lac Kando, a déclaré à l’équipe des chercheurs : « Beaucoup de femmes souffrent d’infections vaginales, et je sais que c’est à cause de l’eau dans le lac parce qu’avant, quand nous étions assis dans l’eau, nous n’avions aucun problème. Maintenant, au moindre contact avec cette eau, nous avons une infection ».
Les habitants locaux ont également expliqué qu’ils souffrent de maladies de peau régulières et qu’ils sont particulièrement préoccupés par la santé de leurs enfants, qui semblent être plus fortement touchés. La quasi-totalité (99 %) a mentionné le fait que les rendements des champs et terres cultivées sont considérablement réduits en raison de la contamination de l’eau, avec des conséquences radicales sur leurs revenus.
Selon cette étude, les sociétés minières reconnaissent que la pénurie chronique d’eau potable est une préoccupation pour les habitants locaux et ont construit des forages pour atténuer le problème. Pourtant, RAID et AFREWATCH ont constaté qu’aucune des entreprises n’a respecté les normes minimales d’approvisionnement en eau potable fixées par les réglementations de la RDC, et toutes étaient bien en deçà de la quantité minimale prévue par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) de 20 litres par personne et par jour pour la consommation et l’hygiène.
L’enquête met également en évidence l’incapacité du gouvernement congolais à faire respecter les protections environnementales, malgré les lois environnementales strictes de la RDC. Les agences réglementaires nationales, paralysées par le manque de ressources et d’expertise, ont du mal à demander des comptes aux sociétés minières, ce qui favorise la persistance de la pollution de l’eau quasiment incontrôlée.
Les mines concernées par cette étude fournissent du cobalt aux plus grands constructeurs de véhicules électriques au monde, notamment Tesla, Volkswagen, Mercedes Benz, BYD et General Motors, entre autres. RAID et AFREWATCH ont appelé les constructeurs de véhicules électriques et d’autres entreprises de la chaîne d’approvisionnement à faire pression sur les sociétés minières pour qu’elles fournissent du cobalt véritablement « propre » et « durable ».