La COP16 sur la biodiversité ferme ses portes ce vendredi 1er Novembre 2024. Si certaines questions ont presque ou trouvé le consensus, tel n’est pas le cas pour d’autres à quelques heures de la clôture de ces assises. Parmi les questions clé de cette COP figure notamment celle de la mobilisation des ressources et du partage des avantages découlant de l’utilisation de l’information de séquençage numérique (ISN). Sur ces deux points, les violons ne s’accordent pas entre les différentes parties.
« Pour la mobilisation des ressources et l’information de séquençage numérique, on a encore du travail à faire. Durant ces dernières journées le gouvernement de la Colombie qui a la présidence de la COP avec des autres ministres pour chercher le consensus dans les régions pour ces deux enjeux. Pour le moment il y a des différends énormes qui empêchent la clôture de ces négociations » fait savoir David Ainsworth Chef de la Communication du Secrétariat des Nations Unies sur la diversité biologique.
Un fond spécial pour la Biodiversité
Au sujet de la mobilisation des ressources il était question de réviser la stratégie de mobilisation des ressources pour rencontrer les ambitions du cadre mondial de la biodiversité de Kunming Montréal explique Daniel MUKUBI agissant comme Négociateur pour le compte de la République Démocratique du Congo.
« Le gap de financement de la biodiversité est très grand, on a identifié à la COP15 un gap de financement de 700 milliards de dollars l’an, mais parmi lesquels il y avait des financements qui étaient investis dans les activités néfastes à la biodiversité qui étaient de l’ordre de 500 milliards de dollars l’an. La recommandation est qu’on puisse réorienter ce financement vers les activités qui sont en faveur de la biodiversité pour rester avec un gap de 200 milliards de dollars l’an. Actuellement il y a le mécanisme de financement à titre provisoire qui est le fond pour l’environnement mondial (FEM) mais ce fond travail avec ce qu’on appelle l’aide publique au développement. C’est une source de financement mais qui n’est pas à la hauteur de la tâche actuellement » ajoute Daniel.
Lors du Segment ministériel de haut niveau en marge de cette COP, plusieurs Ministres africains ont insisté sur la nécessité de créer un nouveau fond spécial dédié à la biodiversité car selon eux les Pays Africains ont tellement des difficultés pour accéder au FEM.
« La disponibilité d’un fond ce n’est pas l’accessibilité. Souvent ce sont des pays émergents qui ont plus de facilité et meilleur dispositif pour accéder à ces fonds. Nous devons nous battre pour une meilleure flexibilité de ce fond sur la biodiversité qui sera créé et se battre pour que l’accès à ce fond ne soit pas lié à des prêts. Nous sommes des Pays nous ne pouvons pas emprunter l’argent pour financer la perte de la biodiversité. Ce fond doit être sous forme de subvention que de prêt » explique Daouda NGOM Ministre de l’Environnement et la transition écologique du Sénégal.
Pour Daniel MUKUBI la position de la RDC est que ce fond soit créé et qu’il soit mise en place un processus qui va permettre de définir les modalités de son opérationnalisation.
« Les Pays du Nord généralement hésitent encore à créer ce fond pensant qu’il faut encore des évaluations du FEM alors qu’on est à la sixième évaluation du FEM et on a trouvé que le FEM a beaucoup de limites et qu’il faut un fond complémentaire. Techniquement on n’a pas trouvé de compromis parce que les positions des Pays développés sont à l’encontre des positions des Pays en développement. Comme les points de vue sont divergents, on a amené la question au niveau ministériel pour que les ministres se prononcent d’ici la fin de la COP ».
EVE BAZAIBA Ministre d’Etat en charge de l’environnement et le développement durable en RDC insiste sur le respect de l’article 21 de la convention qui dit que la convention doit avoir un fond spécial dédié à la biodiversité sous le contrôle et l’autorité de la Conférence des Parties.
« Nous devons apprendre à respecter nos engagements. Lorsque nous demandons la création de ce fond spécifique, nous devons aussi en donner d’autres moyens de mobilisation des ressources. Il a été demandé aux Etats de réfléchir sur le mécanisme additionnel de mobilisation des ressources. Le gouvernement congolais a proposé l’approche philanthropique à travers l’implication des privés notamment des entreprises, organisations, structures qui utilisent les images de la biodiversité à des fins publicitaires et lucratives et en tirent des bénéfices énormes au détriment de la biodiversité. Des entreprises comme Jaguar, Puma, plusieurs équipes de football… Nous avons soumis au secrétariat de la convention toute une liste des utilisateurs de l’image de la biodiversité ».
L’ISN un autre point saillant
Pour ce qui est du mécanisme de partage des avantages découlant de l’utilisation des informations de séquençage numérique des ressources génétiques, les pays se sont mis d’accord que le partage doit être fait de façon équitable malgré quelques zones d’ombres sur qui doit payer
« Généralement ce sont les utilisateurs des informations sur les ressources génétiques comme les firmes pharmaceutiques, cosmétiques, agroalimentaires… et qui en tirent des bénéfices. Les Pays du Sud veulent que tout celui qui utilise ces informations paye. Les Pays du Nord veulent que seuls les grands utilisateurs payent. Ce sont ces ajustements qui sont encore en discussion » renchérit Daniel MUKUBI.
Il déplore cependant que certaines parties ont tendance à confondre le fond spécial dédié à la biodiversité et le fond sur l’utilisation des informations de séquençage numérique.
« La mobilisation des ressources c’est en application de l’article 21 de la convention qui parle d’un fond spécial dédié à la biodiversité. Et le mécanisme multilatéral c’est un paiement pour services. Il faut deux fonds séparés. Un fond dédié à la biodiversité et un autre dédié à l’information de séquençage numérique sur les ressources génétiques. Les Pays développés voulaient qu’on puisse créer un fond seulement pour le ISN et qu’on puisse amener le fond dédié à la biodiversité dans ce même fond ce qui risque de prêter à confusion. C’est pourquoi les Pays en developpement continuent à penser qu’il faut la création des deux fonds séparés ».
Patrick Kahondwa
Cet article a été produit dans le cadre du programme 2024 CBD COP16 Fellowship organisé par Earth Jounalism Network d’Internews